Statut d'adulte, infantilisation...le piége des mots!.

Publié le par catherinepolet


  • Un des loisirs favoris de A. est le dessin, l'utilisation des couleurs : soit création à partir de formes qu’elle remplit avec méthode et sens certain des couleurs, soit en utilisation de livres de coloriage qu’elle aime s’acheter …Petite gêne des accompagnateurs, car les coloriages choisis sont ceux pour tout petits, personnages et animaux…graphismes simples et représentations asexuées.
  • Bientôt Pâques… à la vision des œufs et poules en chocolat (non confinés pour cause de grippe aviaire), les résidants du groupe souhaitent organiser un genre de « chasse aux œufs »…avec le rituel ad hoc : cacher, trouver, déguster !
  • B. est décédée dans l’établissement, son corps y est « préparé » pour la sépulture. B. aimait les bijoux clinquants ...ses préférés sont mis…certains s’interrogent, d’autres bijoux  (qu’elle a en sa possession, mais qu’elle utilisait moins) donneraient une image plus « adulte », plus « femme » de R….
  • D. va au cinéma voir un film « tout public » avec d’autres résidant(e)s  (« L’enquête corse »). Trop de bruit, trop d’actions, montre des signes de mal être durant la projection et en ressort étourdi…en discutant avec lui son choix est clair …il aurait préféré un dessin animé ou histoire animalière du style « Beethoven »…

 

Tranches de vie ..
où les accompagnants se renvoient la balle (maintenir l’autre dans un statut, une image infantile ou lui « donner » un statut d’adulte), se polarisent dans l’analyse de  leurs pratiques sur l’opposition « enfant/adulte », et cristallisent le débat sur l’inévitable dichotomie « infantilisation/statut d’adulte »…

 

Lorsque nous restons dans l’opposition habituelle adulte /enfant…il me semble que nous  restons en surface, nous accrochant aux comportements requis usuellement dans notre société, et souvent d’une façon restrictive, prisonniers de nos projections et points de vue éminemment personnels dans ce domaine…Notre discussion et nos souhaits d’intervention porte sur les manifestations extérieures (et donc éminemment relatives culturellement ..) , les signes visibles que nous lions à l’état dit « adulte ».

Les personnes que nous accompagnons devraient donc s’y conformer, s’y adapter manifestant ainsi un état « adulte », reflet de l’exercice d’une maturité psychique et cognitive, que nous nous efforçons de soutenir dans notre action éducative...

En quelque sorte nous sommes alors dans de l’adaptatif, du correctif…

L’état adulte opposé à celui d’enfant devient un but à atteindre,
un critère de discrimination essentiel de nos pratiques.

Quitte parfois à être bien loin du sujet que nous accompagnons dans nos propositions…le rendant tout aussi dépendant que dans la démarche opposée et autrefois majoritaire situant les personnes déficientes intellectuelles, en difficulté psychique comme des éternels enfants.

 

Bien évidemment la présentation d’objets stimulants, d’un environnement riche et favorisant cette croissance de l’individu de façon socialement adaptée fait partie de notre travail…et bien entendu il y a interaction entre ce qui est présenté et l’expression, les choix  d’une personne. 

Entre Disney World et Disney World …il n’y a pas d’espace pour le sujet, il y a enfermement, « assignation à résidence psychique » dans un espace donné… et là on peut alors à mon sens parler d’infantilisation.     


« Infantiliser : rendre infantile, donner à quelqu’un une mentalité, un comportement d’enfant. ». cf Petit Robert

Il me semble que dans ce débat il est nécessaire de se décaler…
...de réfléchir à ce qui fonde notre intervention.

Retour aux sources : l’enfant, l’infans c’est celui qui ne parle pas…


Notre préoccupation est que chacune des personnes présentes sur le groupe de vie ou nous intervenons  trouve son espace propre concrètement et psychiquement, qu’il puisse accéder à sa façon et à son rythme à ce qu’il est, en tant que sujet humain, à la fois  séparé (unique) et inséré dans des circuits d’échanges sociaux, affectifs. En bref qu'il puisse être, devenir celui qui "parle" et non uniquement celui dont on parle.


 Ainsi nos propositions conviendront à l’un et pas à l’autre…

et ne font pas sens de la même façon.

Tout d’abord parce que les goûts, les cultures et les habitudes peuvent différer (chacun à une histoire, un trajet familial, social).

Ensuite parce que les diversités psychiques, les différences cognitives, perceptives, les modes d’être au monde font varier les humains à l’infini…

Gardons nous de tendre la main à l’autre en nous situant d’un endroit où il ne pourra jamais la saisir…  sous prétexte que cette diversité demande de l’attention et que les différences, les difficultés psychiques et leurs manifestations concrètes dérangent notre vision ordonnée du monde.

 

A travers nos propositions éducatives, l’important au bout du compte est l’espace laissé au sujet pour s’en saisir (ou les refuser), la possibilité de « jeu » que nous lui laissons/ouvrons pour exister, créer souvent « rien qu’un peu » sa propre vie, exprimer ses désirs…

Il nous faut évaluer,  souvent dans l’instantanéité des gestes quotidiens, ce qui va soutenir cette émergence/affirmation du sujet.

Nous devons être capable de déterminer nos priorités avec chaque personne dans sa singularité  et de différencier les domaines où le manque d’adaptation minimum est particulièrement invalidant et où nous serons plus « normatifs » dans nos propositions et parfois exigences (par exemple l’aspect vestimentaire lors de sorties, le respect des règles sociales en vigueur dans les espaces collectifs institutionnels ou  les espaces publics…cinéma, restaurant..).

 
Faire l’économie de cette démarche serait de « l’infantilisation, en attribuant à l’autre une mentalité, un comportement d’enfant »
soit par manque d’exigences adaptées (celles qui invitent à exister un parmi les autres)…
soit par manque d’espace psychique (rendant l’autre dépendant de nos projections et désirs).

 

 

 

 

Publié dans Tranches de vie

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E
<br /> Article intéressant. Simple mais qui pose les bonnes questions.<br /> <br /> <br /> Dommage que votre blog soit en pause.<br />
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T
bonjour, merci pour ce post très intéressant pour moi qui débute mon mémoire d'éducs spé sur le transition entre IME et FAM, et donc la transition pour les parents et l'usagers, ainsi que le passage du statut d'enfant à celui d'adultesi vous aviez des pistes de travail et des éléments de biblio à me fournir, cela me serait très utilemerci d'avance,Malory
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J
Bravo pour votre blog !<br /> <br /> Sur cette question de l'infantilisation, je suis d'accord avec vous ...<br /> <br /> mais la dissymétrie de notre position est à interroger, comment faire que cette différence des places ne soit pas une différence humiliante, mais l'objet d'une transmission ?<br /> <br /> je vous invite à aller visiter mon blog, nous en débattons aussi avec Isabelle Buot du blog "l'éduc" .<br /> <br /> A bientot<br /> Cordialement<br /> <br /> J.M. ZEJGMAN
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J
Bravo pour votre blog !<br /> <br /> Sur cette question de l'infantilisation, je suis d'accord avec vous ...<br /> <br /> mais la dissymétrie de notre position est à interroger, comment faire que cette différence des places ne soit pas une différence humiliante, mais l'objet d'une transmission ?<br /> <br /> je vous invite à aller visiter mon blog, nous en débattons aussi avec Isabelle Buot du blog "l'éduc" .<br /> <br /> A bientot<br /> Cordialement<br /> <br /> J.M. ZEJGMAN
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