Du cadre à l'étayage...pour en revenir au cadre...

Publié le par catherinepolet

Des mots et des maux :
le cadre et ses avatars...


Expressions, à modulation variable, de plus en plus courantes chez les professionnels:

« Il a besoin de cadre ».. »

« Il faut mettre du cadre »

« Il a besoin d’être cadré »…

…et tout est dit, airs entendus et complices…affirmations posées et réflexions évacuées trop rapidement
derrière ce récurrent « prêt à penser » éducatif.

 

Bien sûr, c’est un peu mieux (encore que..) peut être que la version « éternellement irresponsable de ses actes » que nous avons pu connaître autrefois pour les personnes adultes handicapées…
Eternels enfants, éternellement irresponsables de leurs actes, inaccessibles à une approche éducative/humaine normale (avec son cortége d’interdits, frustrations, de non et de limites posées qui si elles étaient reconnues nécessaires à l’existence subjective de tout un chacun ne l’était pas pour ces « hors humanité »).

 

Il est admis désormais que repères, limites, règles permettent  aux résidant(e)s de prendre une place, leur place de sujet humain, avec les droits et devoirs inhérents … tout en tenant compte, pour les professionnels, des difficultés de ceux-ci (difficultés spécifiques à chacun, un par un.. alors que les dites règles et repères structurant sont « collectifs », « sociaux »..).

 

De plus en plus utilisés, les mots « cadre » et « cadrer »…signifient souvent pour les professionnels l’obligation (y compris par la coercition ») pour un résidant de se plier aux règles de vie et de fonctionnement, règles écrites et parfois… non écrites…
La « sanction » prend alors une place privilégiée afin de venir faire comprendre à l’autre l’obligation formelle  de ne pas sortir du "dit cadre"…

Il me semble que la seule application d’un « cadre » (parfois défini dans un protocole spécifique à un usager) ne doit pas « résumer » l’intervention des professionnels.
Il y a confusion entre les règles de vie socialement admises, fétichisées, et l’importance pour que la vie soit possible (pour chacun un à un et pour tous « ensemble ») de les faire vivre au quotidien.




L’essentiel pour un éduc est de permettre à chacun d’intégrer ces règles « humanisantes » et de développer les interventions, passerelles, éducatives qui favorisent cette intégration, en tenant compte des difficultés/capacités de chacun.

En effet les résidant(e)s me semblent avoir besoin de limites, de repères…mais justement pour intégrer ces limites, ces repères (psychiques personnels ou sociaux)…ils ont surtout besoin  de passerelles, d’étayages personnalisés patiemment construits et fréquemment évalués…

Certes, nous faisons « butée » quand la « toute puissance » se manifeste, nous signifions concrètement les « limites » de l’agir (à l’égard de soi même ou à l’égard des autres) à ceux qui sont « perméables », ne savent ou ne peuvent à des moments donnés contenir leur « être » de façon bien définie, nous posons le « non » structurant quand cela est nécessaire…

Mais nous ne perdons pas de vue que si l’un de nos objectifs est que ces personnes intègrent, ce qui parfois leur fait défaut, pour vivre et habiter de façon plus apaisée le quotidien (justement fait d’usages, de règles, de contraintes, et de rapports aux autres)...nous le faisons en leur permettant également d’exister/s’affirmer comme sujet humain différencié/séparé, parlant (quelque soient les capacités verbales) et désirant…

Aussi, aujourd’hui, j’aime utiliser tout autant le terme d’ « étayage » que celui de « cadre »
dans mon exercice professionnel.


Etayages…

Ce sont tout ce que nous pouvons mettre en place le long d’une journée, actions parfois minuscules, paroles simples,   ou présentation d’ « objets » au bon moment, qui soutiennent la personne, rythment sa vie de façon contenante et sécurisante et parfois contribuent à éloigner l’angoisse qui déstructure.

Ce cadre, fait d’objets concrets et de paroles,
 fait « bordure » …au sujet…
Nous sommes alors loin de sa « compréhension/réduction » principalement coercitive.

Nous sommes alors plus proche du sens même du mot cadre…
tel que le définit le petit Robert…
et nous éloignons du sens « tauromachique »
du mot cadre qui fait frémir !

 

 

 

 Dans le "Petit Robert"..éclairages.

 

Cadre

  •       Bordure entourant une glace, un tableau, etc.

  •      Ce qui circonscrit, et par ext. entoure un espace, une scène, une action

  •    Structures imposées par la nature, la réalité (à la pensée), par les institutions (à la société), etc

Cadrer

  •    Aller bien avec qqch

  •   Disposer, mettre en place

  •  Tauromachie. Immobiliser (le taureau) avant de l'estoquer. Taureau cadré.

 

Etai

  •   Marine. Cordage tendu de l'avant du navire à la tête d'un mât et destiné à consolider ce mât contre les efforts qui s'exercent de l'avant à l'arrière

  • Grosse pièce de bois, de métal destinée à soutenir provisoirement

  • Fig. appui, soutien.

 

Etayer

  •        Soutenir à l'aide d'étais.

  •        Fig. Appuyer, soutenir.


 

 


Publié dans Regard critique

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