Quelques réflexions sur la place du libre choix en Foyer Occupationnel

Publié le par catherinepolet


A propos du libre choix...
et de son exercice!



Pour préparer les journées de travail 2006 du CREAI sur la question du libre choix des usagers en Foyer de vie, nous avions un questionnaire  à remplir au niveau de l’établissement.

Ce questionnaire concernait :

  • Les possibilités concrètes de choix au quotidien (hygiène, repas, habitat, loisirs, activités, consommation..),

  •  L’estimation de ce qui se fait, de ce qui semblerait faisable  ou   souhaitable…ainsi l’énumération de ce qui semble y faire obstacle

  • Le regard porté sur la pertinence des choix effectués par les usagers par les professionnels, ainsi que l’évaluation qu’ils en font..

Nous pouvions joindre les réflexions que nous inspirait ce questionnaire…ce sera l’objet de ce billet..

 


L’institution où je travaille n’est pas un simple lieu d’ « hébergement » !!!!


Tout d’abord une première remarque, les personnes résidant(e)s au Foyer Occupationnel du CB ne présentent pas le plus souvent uniquement une déficience intellectuelle…cela me parait particulièrement important lorsqu’on aborde la question du choix qui me semble intimement liée au positionnement de chaque individu comme sujet humain, comment il se débrouille avec ça et comme on le soutient (par notre intervention  éducative, thérapeutique…) pour qu’il avance sur cette voie. Certaines personnes sont confrontées à la psychose (dite déficitaire), l’autisme, ou des difficultés psychiques variées…quand d’autres le sont à la « normose »…en lien ou non avec une déficience intellectuelle. Quand une personne a du mal à exister, tout simplement, à habiter avec « sens »  les actes courants du quotidien…il s’agit plus souvent de construire des étayages qui lui permettent de tenir debout (somme sujet « séparé, individué »)… Ces étayages, en fournissant des repères externes à une personne (qui a un mode interne « dispersé »), un « rythme  de vie », ne permettent pas tellement d’introduire la notion de choix…tout simplement pour que le quotidien se déroule  avec moins d’angoisse…

 

Si la question du choix, de l’exercice des droits au quotidien d’une personne, handicapée ou non, est essentielle dans le travail éducatif, elle ne peut faire l’impasse de partir de chaque résidant, un par un…de construire les passerelles nécessaires pour que ce droit soit réellement effectif (pas une simple proclamation pieuse qui ne durera pas…). Elle suppose pour être réellement travaillée de tenir compte du parcours de chacun, d’en faire un des points du projet individualisé (en voyant ce qui peut être travaillé pour chaque résidant pour que ce droit/liberté soit accessible a minima.

 

  Sur quelques obstacles au développement de cette liberté ou de son accessibilité...


Du coté de l’encadrement et des usagers...

L’exercice du choix des résidant(e)s touche aux zones de pouvoir des professionnels, zones de pouvoir inconscientes mais bien matérialisées concrètement pour les usagers. Par exemple lorsque les usagers disent leur mot sur l’utilisation de l’argent du groupe (autrefois « zone réservée à l « équipe », lorsque le choix de l’environnement (vaisselle, canapés, aménagement divers,…) se fait avec eux (avec une matérialisation visible de leur avis…), lorsque la participation aux loisirs est libre…Il y a des résistances importantes…Car l’on s’aperçoit que cela modifie nos pratiques, nos façons de faire, oblige à construire projets et actions différemment (par exemple prendre plus de temps, renoncer à des idées qui nous emblaient intéressantes…mais pas du tout à l’usager). Cela explique que cette question du choix est souvent un « enjeu » dans les équipes de travail et cela dans tous les domaines de la vie du résidant (activité, consommation, loisir, habitat, sexualité, relations…)

Pour mon mémoire d’éduc, j’avais travaillé un questionnaire sur cette question du choix auprès de mon équipe de travail d’alors. J’en avais retiré, entre autres, que plus on était prés des domaines basiques de vie, davantage en lien avec la « fonction maternelle » (nourriture, santé, toilette) la question du choix des usagers était considéré peu pertinent  et difficile à mettre en œuvre…par contre sur les questions de consommation ou de loisirs, elle paraissait plus facile. Plus l’on s’éloigne des besoins « vitaux », essentiels (ou en lien avec « la préoccupation maternelle primaire » ou « dévotion maternelle »  dirait Paul Fustier), plus place est laissée à l’avis de l’usager. L’avis de l’usager est principalement requis dans les domaines du loisir, du supplément, l’essentiel étant assuré par l’institution et les professionnels qui y travaillent. L’institution, l’équipe tendent à fonctionner dans le prolongement d’un modèle familial protecteur, maternant. Sans nier que les personnes accueillies nécessitent souvent un accompagnement important sur ces besoins vitaux, il m’avait semblé qu’on pouvait faire un lien entre un encadrement parfois en « overdose » de « fonction maternelle » …et l’incapacité à imaginer du manque, de la séparation, de l’individuation…du choix dans ces moments là !!!

   L’exercice du choix dans un groupe suppose que chacun se positionne bien sur sa place…choisir quelque chose, c’est aussi encourir le risque que cela ne soit pas possible…donc de la part des encadrants d’expliciter leur réponses, d’en rendre compte d’une certaine façon aux usagers…et de devoir faire face à la frustration que cela peut engendrer. Mais n’est ce pas là une action qui permet à tous de progresser et de s’humaniser ! En effet devoir « rendre compte » permet (parfois) au professionnel de se rendre compte combien son intervention est « arbitraire »..et à l’ « usager » de progresser dans sa capacité à prendre en compte d’autres éléments que son désir/plaisir immédiat…


Enfin le choix est lié à l’exercice de capacités symboliques : compréhension, communication…Les résidant(e)s sont souvent exclu(e)s depuis longtemps (que ce soit dans leur environnement familial ou  institutionnel) de cet univers de rapidité, d’abstraction…de communication verbal… Donc là aussi si on ne veut pas vider de sens  le « libre choix des usagers »…il faut nous attacher  au niveau éducatif et institutionnel à ce qui va en favoriser le développement et l’exercice en partant des usagers…



Pour que l’exercice du libre choix des usagers
soit une réalité effective…
Encore et encore, du travail  éducatif !


Quoique nous pensions de la Loi 2002, elle peut permettre de mettre (ou remettre) à l’ordre du jour un certain nombre d’axes du travail éducatif autour de la question du sujet, que cela soit dans son existence psychique, individuelle de sujet humain ou dans son existence sociale citoyenne.

Le libre choix, comme l’ensemble de droits « actualisés » par la loi 2002 ne peuvent se mettre en place que si les professionnels réfléchissent à  leur intégration dans leur pratique professionnelle. …nous n’envisagerions pas de démocratie sans institutions, systèmes et lieux de son élaboration et de son exercice. Le libre choix ne peut s’exercer sans les espaces (psychiques et matériels) et les moyens/ conditions le « rendant accessible ».

 



J’ai pu constater que quand ceux-ci avaient des outils favorisant l’exercice de ce choix, la plupart s’en emparaient, à leur rythme…

 

Comme outils expérimentés, je citerai :

 

  • Les espaces : Réunions de résidants (réunion hebdomadaire du groupe de vie, commission menu ou différents moments d’entretien individuel pour  les activités, les taches quotidiennes), le CVS (et l’accompagnement nécessaire pour que la présence des usagers soit effective).

 

  • Les supports de communication : Utilisation de pictogrammes (pour  « écrire » le règlement de fonctionnement, indiquer son choix de courses…présenter une idée de sortie ou d’achat…)...C'est un  domaine où en nous pouvons nous appuyer sur les "possibles" (même parfois a minima) des usagers ... favorisant le passage à l'initiative de ceux ci en matiére de communication, demande, choix.

 

  • Prendre le temps  de la compréhension, de la  discussion, , du choix et de la décision ensemble …il n’y pas urgence ! Et cela en commençant par l’environnement immédiat, le quotidien…

 

  • Etre a l’affût et mémoriser/inscrire les paroles dites (verbales et non verbales) dans les différents moments du quotidien pour pouvoir les reprendre, confirmer l’expression, le choix, l’idée…

 

  • Une attention partagée sur ce sujet  par les différents intervenants de l’équipe…. Car c’est dans l’accompagnement quotidien que ça se joue, que des habitudes se prennent et qu'un climat s'instaure …



En guise de conclusion...


Pour conclure, une petite citation de Joseph Rouzel,
 tirée de "L'acte éducatif", éditions Eres, page 218...

«  Si l’on prend dans la clinique le parti du sujet, cela tire à conséquence. Le sujet n’est pas une permanence, il n’émerge que dans la parole. Le travailleur social doit donc être garant d’espaces protégés où la parole qui fait naître chaque sujet est prise en compte…dans tout espace de parole et de médiation, c’est la parole du sujet qui prime. Et la parole de chaque sujet, un par un et au cas par cas. Le travailleur social se fait gardien des seuils, gardien des espaces de rencontres entre humains. Une fois ces espaces construits, inventés, pas la peine de maîtriser, ni de contrôler…Si l’espace est là, le sujet sait ce qu’il a à en faire ».




Publié dans Regard critique

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